DEFA : Es werden ein paar Filme bleiben = Quelques films resteront.. : c'était la DEFA / Ullrich Kaste, réal., scénario. - Bonn : Inter Nationes [éd.], 1998. - 1 vidéocassette [VHS] (1 h 30 min) : n. et b. et coul., SECAM
Commentaire doublé en français, extraits de films en allemand sous-titrés en français
Cop. : Ost deutschen rundfunk, 1996
La première manifestation du cinéma allemand a lieu en 1895, au Jardin d'hiver de Berlin avec le Bioscope des frères Skladanowsky.
L'Allemagne n'aura cependant pas d'industries cinématographiques jusqu'en 1910 : théâtres et cinémas ambulants diffusent des productions américaines, françaises, italiennes... et quelques essais de réalisateurs allemands comme Kurt Stark, Franz Porten ou Oskar Messter.
Entre 1910 et 1917, quelques industries sont enfin crées, mais c'est la compagnie danoise Nordisk qui domine le marché allemand. En 1913, un comédien de théâtre, Paul Wegener co-réalise avec le Danois Stellan Rye "L'Etudiant de Prague".
Fin 1917, le gouvernement allemand encourage le regroupement de ces petites industries nationales pour lutter contre la concurrence ; de nouveaux talents émergent, comme Ernst Lubitsch, jeune cinéaste berlinois et spécialiste de grandes fresques historiques - "Madame du Barry" (1919) ou "Ann Boleyn" (1920) -.
1917 : la U.F.A. (Universum-Film Aktiengesellschaft) est fondée avec le concours financier du Reich et surtout de la Deutsche Bank, de Krupp, de la compagnie électrique AEG et des industries chimiques IG Farben. La nouvelle compagnie absorbe plusieurs sociétés de production expérimentées, bénéficiant ainsi des studios de Berlin-Tempelhof, où Ernst Lubitsch s'illustre dans le Kostümfilm.
1921 : la U.F.A. absorbe la Decla-Bioscop, la société d'Erich Pommer, qui est promu chef de toutes les unités de production de la U.F.A. - et dont elle reprend les studios de Berlin-Babelsberg. Ceux-ci, une fois modernisés, deviendront la U.F.A.-Stadt.
La U.F.A. dispose bientôt d'un réseau de salles prestigieuses, intègre toutes les branches de l'industrie cinématographique, sans négliger les recherches techniques et formelles.
Elle contribue à faire du cinéma allemand des années 1920 le cinéma le plus créatif, avec le cinéma américain. Les réalisateurs les plus connus - comme Fritz Lang, F. W. Murnau, Karl Grüne... - tournent à Babelsberg avec les plus grandes stars - Henny Porten, Lil Dagover, Brigitte Helm, Emil Jannings, Werner Krauss, Willy Fritsch... - des scénaristes comme Thea von Harbou et Carl Mayer, des techniciens de talent, Carl Hoffmann (chef-opérateur), Robert Herlth et Walter Röhrig (décorateurs).
Les films novateurs voisinent avec les oeuvres de divertissement et les grandes fresques historiques - au contenu généralement nationaliste (Fridericus Rex, d'Arsen von Cserepy, 1920-1923). Des films célèbres sortent de ces studios, dont "Le Dernier des hommes" ( 1924),
"Les Nibelungen"(1924),"Variétés"( 1925 ),"Metropolis"(1926), "Faust"( 1926)
Les studios alimentent une exportation qui s'étend aux actualités cinématographiques hebdomadaires.
Dans les années 30, la U.F.A. ne peut échapper à la crise, comme les reste de l'économie allemande. Elle est reprise par le magnat de la presse Alfred Hugenberg, ancien président de Krupp et important politicien nationaliste (il sera membre du cabinet formé par Hitler en 1933). Malgré la censure politique et commerciale, le virage du cinéma parlant est pris avec brio. La U.F.A. produit L'Ange bleu, de Josef von Sternberg (1930), des opérettes filmées tournées en plusieurs langues avec l'actrice polyglotte Lilian Harvey (dont Le Chemin du Paradis, de Wilhelm Thiele, 1930 ; Le congrès s'amuse, d'Erik Charell, 1931), des films d'aventures et quelques films marqués idéologiquement - déjà.
28 mai 1945 : le commandant des forces d'occupation soviétiques donne l'autorisation aux théâtres et aux cinémas de ré-ouvrir.
En 1945, la UFA est démantelée par les Alliés.
Le 17 mai 1946 est crée la DEFA (Deutsche Film- Aktiengesellschaft) sous le contrôle des autorités soviétiques d'occupation. Elle dispose des studios de Babelsberg.
Les membres fondateurs sont tous des vétérans de la production.
Kurt Maetzig est nommé "réalisateur attitré" et réalise "Le Témoin" ainsi que des documentaires de circonstances, "Berlin en reconstruction" et "Unité parti socialiste - parti communiste".
Wolfgang Staudte réalise dès 1946 le premier film est-allemand, "Les Assassins sont parmi nous", qui dénonce les complices masqués du nazisme. Clin d'oeil à Fritz Lang, ce film assure la continuité du cinéma allemand en renouant avec la tradition démocratique, tout en héritant de l'esthétique expressionniste.
Urgence de la dénazification des esprits, participation à un nouvel ordre social en éduquant les citoyens au socialisme sont les deux priorités. Wolfgang Staudte poursuit dans la même voie avec "Rotation" (1949) qui est une critique de l'attentisme sous le national-socialisme et avec "Pour le roi de Prusse" (1951), brillante satire de l'esprit prussien d'obéissance passive.
Dans la même veine, Kurt Maetzig relate dans "Le Mariage dans l'ombre" (1947) le destin de l'acteur Joachim Gottschalk, lequel s'est suicidé en 1941 avec son épouse juive et leur fils. Erich Engel quant à lui dénonce en 1948 l'antisémitiste dans "l'Affaire Blum".
Slatan Dudow rend compte de l'Allemagne en ruines -"Notre pain quotidien" (1949) - et de la condition de la femme dans la nouvelle société - "Destins de femmes" (1952).
Jusqu'en 1961, la circulation entre les deux Allemagne reste à peu près libre ; Wolfgang Staudte et Erich Engel retournent en Allemagne de l'Ouest dont ils sont originaires, les deux documentaristes ouest-allemands Walter Heynowski et Karl Gass s'installent à l'Est et des réalisateurs ouest-allemands viennent ponctuellement travailler sur des projets à Babelsberg - Gerhard Lamprecht pour "Irgendwo in Berlin" (1949), Paul Verhoeven, Arthur Maria Rabenalt...
En septembre 1952 - on est alors au plus fort de la guerre froide - le SED convoque une assemblée des cinéastes. Cette assemblée pointe la nécessité pour les réalisateurs de s'engager politiquement, de s'intéresser davantage au monde ouvrier. De là découle une vague de fresques historiques consacrées aus grand leaders prolétariens du passé comme Karl Liebknecht, Ernst Thälmann, August Bebel...
Les grand sujets idéologiques sont privilégiés, c'est la pleine période du "réalisme socialiste", comme en URSS.
A la mort de Staline, en 1953, la ligne établie va connaitre un certain dégel idéologique.
De jeunes talents vont éclore, comme Gerhard Klein qui réalise deux films de teinte néo-réaliste : "Romance berlinoise" (1946) et "Carrefour Schönhauser" (1957), Heiner Carow qui réalise avec une certaine liberté de ton "Ils l'appelaient Amigo" (1959).
Le grand talent, c'est Konrad Wolf dont l'oeuvre connait un retentissement international . Il débute avec "Lissy" (1957) et "Etoiles" (1959) et va dominer la production est-allemande avec des drames individuels engendrés par la construction du Mur, et des films traitant de la nécessaire liberté de la création artistique ("L'homme nu sur le stade" en 1974).
En 1958, une autre conférence des cinéastes marque la fin de cette nouvelle tendance, et la production de fictions va stagner durant les années 60, malgré l'apparition de réalisateurs de grande qualité tels Frank Beyer ou Egon Günther ou de scénaristes éclairés comme Ulrich Plenzdorf ou Wolfgang Kohlhaase.
Dans la même période, les documentaires vont vivre leur âge d'or, grâce à des documentaristes qui renouvellent le genre en l'ouvrant sur la vie quotidienne, dans un style proche du cinéma-vérité. Jürgen Böttcher, Gitta Nickel, Karl Gass sont de ces derniers.
La censure se renforce et des films sont interdis (ex. "Chercheurs de soleil" de Konrad Wolf, en 1958).
1971 : le VIIIe Congrès du SED ratifie l'abandon de certains interdits : "Il n'y a aucun tabou pour les artistes qui se tiennent fermement sur le terrain du socialisme".
A partir de là, de films neufs apparaissent : "Le Troisième" d'Egon Günther (1971), "La légende de Paul et Paula" d'Heiner Carow (1973) - film culte qui inaugure sur la musique des Pudhys le "réalisme poétique" -, "Solo Sunny" de Konrad Wolf - qui à travers le peronnage d'une chanteuse pop décrit la génération des seventies -...et d'autres...
Dans les années 80, quelques films ont une reconnaissance internationale, dont "La Fiancée" de Günter Reisch et Günter Rücker (1980), "Die Aufenthalt" de Frank Beyer (1982), "Ce vieux Henri" d'Ulrich Weiss (1983), "La Maison au bord du fleuve de Roland Gräf (1985), "La femme et l'étranger" de Rainer Simon, grand prix ex-aequo de la Berlinale en 1985 (avec "Weatherby" du britannique David Hare)
En 1989, deux films annoncent des temps nouveaux : "Coming out" d'Heiner Carow dont le thème est l'homosexualité et "Le rendez-vous de travers" de Michael Gwisdek.
3 octobre 1990 : la réunification allemande.
1992 : la Treuhandanstalt vend la DEFA.
Depuis 1946, la DEFA a produit environ 700 longs métrages, 750 films d'animation et 2250 documentaires et films courts.
Rachetés par la Générale des Eaux / Vivendi, les studios de Babelsberg ont été rénovés et mis au standard de la technologie actuelle. Ils comprennent désormais des studios de cinéma câblés en fibre de verre équipés du tout digital, des studios de télévision, des studios de son et de postproduction ; une école du cinéma a été crée et un parc d'attraction des médias est ouvert au grand public.
Volker Schlöndorff est l'un des responsables des lieux depuis 1992, et défend le concept d'un lieu où tout doit pouvoir se faire, aussi bien des productions grand public qui rapportent de l'argent que des films d'auteur qui rendraient au cinéma allemand la qualité et le renom qu'il a connu.
Coté tournages, ils sont très nombreux, les plus grands réalisateurs internationaux rêvent de tourner dans ces mythiques studios. Récemment, Quentin Tarantino a réalisé "Inglorious Basterds".
1998 : la Fondation de la DEFA est crée par l'Etat fédéral pour conserver et promouvoir le cinéma est-allemand en tant qu'héritage culturel national.
Surfant sur la vague de l'Ostalgie, l'intérêt pour le cinéma est-allemand croît en Allemagne ces dernières années. Les chaînes de télévision diffusent régulièrement des films de la DEFA et ces derniers font l'objet de publications DVD.
En 1999, lors de la sortie d'un remake hollywodien de "Jacob le Menteur" (avec Liam Neeson), les Etats-Unis, puis le monde entier re-découvre le film original réalisé par Frank Beyer.
2005 : Le Museum of Modern Art de New-York (MoMa) organise une rétrospective du cinéma est-allemand qui est un grand succès populaire
Alors même qu'elle n'existe plus, la DEFA fête ses 60 ans le 17 mai 2006, lors d'une grande manifestation organisée au Filmpark de Babelsberg, par la Fondation de la DEFA; plus de 800 invités - acteurs, réalisateurs, scénaristes, techniciens...- se rassemblent dans le studio Caligari. Kurt Maetzig, le dernier fondateur de la DEFA encore en vie, est ovationné.
L'Université britannique de Reading travaille sur la DEFA, au sein du Centre de recherche sur la RDA.
Des universités américaines - une vingtaine, dont celle du Massachusetts - ont intégré l'histoire de la DEFA dans leur programme d'enseignement, et certains de leurs chercheurs travaillent sur le sujet.